Depuis toujours, je suis fasciné par les jardins japonais. Ces appellations désignent plusieurs types de jardins, d'époques, de fonctions et de tailles variables.

On trouve facilement des images des jardins traditionnels (avant 1940), par contre, le style contemporain japonais est beaucoup moins représentée, en occident. Depuis quelques temps, avec Pinterest, j'ai exploré les sites de paysagistes japonais (certaines réalisations sont magnifiques). Et petit à petit, j'ai collecté plusieurs milliers de photos, qui représentent des vues d'ensembles, de détails, ou des traits d'esprits, qui pour moi constituent le jardin japonais actuel. Comme partout, on trouve de tout, des choses que l'on adore et d'autres que l'on apprécie moins.

En analysant les compositions de ces images, on s'aperçoit que l'on retrouve dans ces deux types de jardin, le même esprit, même si les besoins et les modes de vie ont changés.

Il est possible de transposer cet esprit dans des jardins à l'aspect moderne et naturel, sans en faire une caricature de jardin japonais. Même si j'admire leurs réalisations et que je partage une partie de leur philosophie, je ne suis pas japonais, j'ai en héritage une autre culture et une autre histoire.

Ces jardins sont une ode à la nature. Elle est représentée symbolisée, épurée, mais contrôlée. Très souvent, le jardin est composé de vues, visible de l'intérieur de la maison, ou du seuil de l'entrée du jardin, ce ne sont pas forcement des jardins de promenades. Chaque élément est choisit avec soin, pour ne pas nuire à la composition. Ce sont des jardins, où chaque détail compte, quand on visite des sites, on est surpris du nombre de photos d'un détail d'une fleur ou d'une feuille. Mais si les saisons font partie intégrante du jardin, ils ne sont pas très fleuris, voire même pas très colorés (très peu de feuillages panachés, doré, bleuté ou pourpre), quelques floraisons mais pas échelonnées sur l'année. Les feuillages sont généralement vert en été, mais les colorations printanières et automnales, les jeux de lumière, le contraste des formes de feuilles ravissent les amateurs. L'hiver permet au regard d'admirer la silhouette, patiemment sculptée des végétaux. En regardant les photos, je dirais que la proportion de feuillage persistant ne doit pas dépasser les 40%.

Plusieurs composants créent cette ambiance.

• L'enceinte et l'entrée. La clôture d'une propriété procure un sentiment de sécurité et d'intimité, mais elle peux aussi permettre de réduire l'échelle du jardin (en le séparant du paysage environnant), et d'offrir un fond sur lequel se détacheront certains éléments de la composition. Les entrées sont souvent des invitations à venir découvrir le jardin. Toutefois, avec les constructions actuelles, nous avons de plus en plus deux jardins, un devant accueillant les visiteurs, plus ouvert sur l'extérieur, et un derrière, plus intime.

• Le vide, l'asymétrie et l'absence de perspectives. Ils sont les éléments fondamentaux de la composition des jardins.

• Les roches. Elles peuvent être présente dans le jardin, pour symboliser des îles, des montagnes, un affleurement rocheux, un cours d'eau, être un élément décoratif en raison d'une forme particulière, ou être intégré dans des constructions. Mais elles peuvent aussi être remplacées (ou associées) par des mouvements de terre ou des constructions.

• Les constructions. Une grande variétés de matériaux, de couleurs et de textures sont utilisées dans les constructions ; elles ne sont rarement composées d'un seul élément, ou d'une seule couleur. La symétrie n'est pas dans la nature, elle est donc rarement présente dans les jardins. Pour les japonais, il y a trois types de matériaux : les matériaux bruts (non travaillé par l'homme), les matériaux partiellement travaillés, et les matériaux entièrement travaillés ou artificiels. Leurs compositions associent ensemble ces trois types de matériaux.

• L'eau. Elle est très souvent présente dans ces jardins, sous forme figurée ou réelle.

• Les végétaux. Quelques petits arbres ou grands arbustes structurent les compositions. Ils sont régulièrement taillés, dès le plus jeune âge, afin que le regard et la lumière passent au travers. A leurs pieds, des fougères, quelques plantes vivaces herbacées, des mousses (qui peuvent être remplacées par des couvre sols herbacées), parfois quelques graminées. La couleur des plantes à fleurs arrivent doucement dans les jardins ; un peu de feuillage coloré avec beaucoup de parcimonie.

  En regardant les photos des jardins japonais, une chose me frappe la taille en nuages (appelée abusivement taille japonaise, comme si c'était la seule et l'unique. Au Japon, plusieurs tailles pourraient être rassemblées dans cette catégorie, mais avec un résultat plus fin. Il est vrai que ce ne sont pas de vieux arbres que l'on transforme, mais des spécimens qui ont été formés dès le plus jeune âge. Certains sujets remarquables, produits en pépinière, sont vendu aux enchères.) n'est pas si fréquente que cela. Souvent les arbres et les arbustes conservent un port naturel, laissant apercevoir la structure du végétal, et passer la lumière à l'étage inférieur.

  La taille en Karikomi  (masse de forme organique de plusieurs végétaux, généralement de même espèce) peut aussi être intéressante dans les compositions paysagères. Certains paysagistes, comme Fumiaki Takano ont une vision plus naturelle de la composition des jardins.

• Les objets de décoration. Les lanternes, tours, bouddha en pierres, ainsi que le shishi odoshi (système sonore dissuasif contre les animaux) en bambou, sont les éléments qui évoquent dans nos esprit le jardin japonais. Pour moi, ils ne sont pas indispensables pour créer cette ambiance, et doivent être choisi avec soin. Souvent, on voit des objets trop petits (car assez chers) dans des compositions.

  Les formes de tsukubai (petite fontaine de purification) ont beaucoup évolué dans le jardin moderne, et peuvent être plus facilement intégrés.

• L'entretien. Il fait partie de la vie du jardin, grâce à lui, votre jardin prendra une maturité de décennie en décennie. Les plaies de taille seront discrètes. Les surfaces de vide seront clairement définies. Le volume de travail nécessaire à l'entretien d'un jardin japonais traditionnel peut être assez conséquent, surtout au niveau de la taille. Il faut donc adapter son jardin à cet impératif.

  Voici une histoire, qui pour moi définit cet esprit.

  A la fin de l'automne, un jeune moine fier du travail qu'il vient de réaliser, le ratissage de la grande zone sablée, et immaculée du temple, vient voir son maître, pour obtenir son avis. Le vieux sage secoue une branche d'un érable, quelques feuilles tombent sur le sable fraîchement ratissé, et lui dit : Là, c'est parfait.

Pour avoir davantage d'exemples, je vous invite à visiter ma galerie "Pinterest" au tableau "Jardins Japonais Modernes"